Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Par / 26 janvier 2022

Madame la présidente, monsieur le secrétaire chargé de la santé au travail et des retraites – au passage, pour les travailleurs des plateformes, la retraite, c’est zéro ! –, mes chers collègues, voici donc un dialogue social vidé de sa substance. Pour un autre avenir en faveur des travailleurs des plateformes numériques, plusieurs groupes politiques, dont le CRCE, ont, en plusieurs occasions, proposé des mesures concrètes, des mesures jamais votées par le Sénat.

Qu’avons-nous eu en retour de la part du Gouvernement depuis cinq ans ? Des textes d’une inefficacité navrante, et ce projet de loi n’y change rien. Bien plus grave, il vient consacrer la valeur travail comme une valeur malléable en fonction des modèles économiques, quelle que soit leur rentabilité. Elle serait aménageable selon la qualité des travailleurs, qualifiés ou non, ou selon la qualité estimée des prestations effectuées.

On aurait un statut d’indépendant qui serait différent selon que vous êtes travailleur économiquement dépendant de plateforme ou que vous êtes travailleur indépendant choisi. Le premier se verrait privé d’autonomie et serait corvéable à merci quand le second pourrait négocier librement ses prix et les caractéristiques de sa prestation.

Quelle contradiction !

Mes chers collègues de la partie droite de l’hémicycle ont voté à l’unanimité le rapport d’information sur l’ « ubérisation » de la société, alertés par le risque de « plateformisation » de la société par les secteurs traditionnels ou les fonctions libérales. Seulement, au moment de réguler les plateformes numériques de travail, ils se sont retrouvés embarrassés devant l’avantage et le confort qu’il y a à trouver une petite main plus vite et pour moins cher.

Pour que le rouage de la servitude continue de tourner, il faut donc que le Gouvernement préserve le contrôle des plateformes de travail sur leurs travailleurs, tout en se dégageant d’une quelconque responsabilité.

Lors de l’adoption de ce texte en première lecture dans cet hémicycle, nous avions, à l’article 3, contraint chaque secteur à négocier certains thèmes, dont la fixation des prix. Pourquoi cela a-t-il disparu de la version finale ? No explication !

Le Président de la République a pourtant annoncé au Parlement européen que la création d’un SMIC européen était une priorité. Pourquoi alors refuser qu’une rémunération minimale soit l’objet du dialogue ? Si des indépendants peuvent normalement négocier leurs prix, on consacre ici le fait que tel n’est pas le cas pour ceux des plateformes. On officialise ainsi l’indépendance contrainte et l’autonomie à deux vitesses.

À l’alinéa 4 de l’article 2, il y a, parmi les thèmes de négociation obligatoire, « les modalités de détermination des revenus des travailleurs ». Comprenez la subtile manœuvre : c’est une chose d’imposer de se mettre d’accord sur une rémunération minimale, c’en est une autre d’imposer de discuter de la manière dont les revenus sont calculés par la plateforme. Même contradiction à l’alinéa 18 de l’article 2 : « en leur garantissant une marge d’autonomie pour déterminer les modalités de réalisation des prestations »... mais pas des prix ! Autonome, mais, quand même assujetti…

Par ailleurs, ce texte vient créer une juridiction dédiée aux plateformes. Selon l’article 2, alinéa 13, l’ARPE serait chargée « d’homologuer, au nom de l’État, les accords de secteur ». Pourquoi pas l’administration du travail ?

L’alinéa 14 lui assigne « un rôle de médiation entre les plateformes et les représentants des travailleurs indépendants ». Pourquoi pas le Médiateur des entreprises ?

Prenons le décret du 23 décembre 2021 relatif à l’organisation et aux conditions du scrutin. L’article R. 7345-10 du code du travail, qu’il créé, prévoit que le directeur général de l’autorité « autorise la rupture du contrat commercial des représentants désignés en application de l’article L. 7343-13 ». Une autorité administrative qui se prononce sur un contrat commercial… Vous êtes sûrs ?

On voit bien que cela a été pensé en dehors de toute objectivité. C’est pratique, quand on est déjà poursuivi pour travail dissimulé…

Et que dire des conditions de représentativité, d’une complexité kafkaïenne, qui feront gagner du temps aux plateformes plus qu’elles n’entraîneront l’adhésion des travailleurs ?

Enfin, il est légitime d’interroger l’opportunité de ce texte au regard de la proposition de la Commission européenne, qui, elle, porte une ambition en instaurant une présomption réfragable de relation de travail, allant ainsi dans le sens des décisions de justice européennes.

Dès lors, nous souhaitons que les travailleurs des plateformes bénéficient du même régime que les autres travailleurs, et non pas seulement d’un dialogue social façon « grand débat ». Ce texte entraîne trop d’incertitudes, en plus d’une inégalité de traitement entre travailleurs indépendants. Vous aurez compris que nous voterons contre.

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